Syndicat des travailleurs du rail de
Paris Sud Est
Solidaires, Unitaires et Démocratiques
Eléments pour une réflexion syndicale
autour du résultat
des élections présidentielles
du 21 avril
2002
Bureau syndical du 22 avril 2002.
Nous
avons débattu du résultat des élections, des conséquences, de l’attitude
adoptée lors de notre réunion de bureau syndical du lundi 22 avril.
Notre
volonté n’est pas de livrer « l’analyse du syndicat » sur la
situation mais bien de partager avec nos adhérent(e)s
nos premières réflexions.
Bien évidemment la présence de Le
Pen au deuxième tour
de ces élections est un événement.
Nous pensons qu’il faut aller au-delà de la réaction
affective, toujours importante à nos yeux mais jamais suffisante pour analyser
une situation politique.
Lorsqu’on regarde un peu les chiffres, on s’aperçoit que Le
Pen gagne finalement assez peu de voix par rapport à 1995 (bien sûr c’est
toujours beaucoup trop, nous ne reviendrons pas là dessus) :
4 571 138 en 1995
- 4 791 750 en 2002.
Certes en 2002 il faut ajouter 664 836 voix de Mégret.
Mais en 1995 De Villiers faisait 1 443 235 voix et on peut
considérer qu’une partie non négligeable de celles-ci se retrouvent cette année
sur Le Pen.
Donc, il n’y a pas de poussée spectaculaire du vote
d’extrême droite à l’occasion de ces élections.
La poussée a bien existé, mais c’était il y a une quinzaine
d’années et ça n’intéressait guère les politiciens de gauche qui jouaient les
effondrés à la télé dimanche soir.
Depuis dimanche soir les média et les
politiciens
ne parlent que du résultat de Le Pen.
0,72% des voix le sépare de Jospin.
Gageons que si Jospin avait été second, et même de très
très peu devant Le Pen, l’essentiel des commentaires des journalistes et des politiciens
tournerait autour du « duel Chirac/Jospin », délaissant pour
l’essentiel un résultat de Le Pen identique en nombre de voix !
Car voilà, c’est la règle du jeu acceptée, et même
revendiquée, par tous les « grand(e)s »
candidat(e)s : Seuls les deux premiers sont qualifiés.
Ca auraient pu être les trois
premiers ou bien le président pourrait être celui qui arrive en tête dans un
tour unique …
Dans tous ces cas de figure, journalistes et politiciens
parleraient moins de Le Pen.
Donc, encore une fois sans sous-estimer le nombre de voix
qui se portent sur l’extrême droite, ne nous laissons pas abuser par le seul
mécanisme de ces élections.
Conséquence aussi de cette règle du jeu, la multiplication
des candidatures affaiblit forcément les scores du premier tour … au risque de pas être au second.
PS, PC, Verts ont gouverné ensemble durant 5 ans et disaient
vouloir poursuivre leur « gauche plurielle » : Le PS
fait 16,12%, les Verts 5,24%, le PC 3,39%, soit au total 24, 75% … de quoi être
en tête au premier tour.
Le choix tactique qu’ils ont fait les exclue du second
tour !
Un choix qu’ils ont assumé jusqu’au bout.
Les états majors politiques savaient dans la dernière
semaine que les sondages s’orientaient de plus en plus vers un deuxième tour
Chirac/Le Pen.
Un désistement « théâtral » du PC aurait évité la
troisième place à la gauche … et un score lamentable pour le PC. Cela n’a pas
été fait ; inutile ensuite de jouer les consternés le dimanche soir !
Sans même aller jusque là : Aucun des partis de gauche
n’a fait état de cette menace Le Pen, pour essayer de re-mobiliser un électorat
quelque peu désabusé.
Il est aberrant d’entendre les responsables de la gauche
engueuler les gens qui ne votent plus pour eux parce qu’ils en ont marre
d’être trahis, marre de n’avoir aucun droit de contrôle sur le mandat confié,
aberrant de les entendre pleurnicher qu’ils ont « honte pour leur
pays ».
L’escroquerie intellectuelle qui consiste à faire croire que
ce sont les abstentionnistes ou ceux qui ont voté « LO,LCR,Verts »
qui ont propulsé Le Pen au second tour n’est pas
recevable.
Ce sont surtout ceux qui voté Le Pen
qui ont propulsé Le Pen.
Des années de promesses non tenues, des années de magouilles
y compris financières, des années de services rendus au patronat après avoir
demandé aux travailleurs(ses) de les soutenir … et ce sont eux qui auraient
honte du vote de leurs concitoyens !
Les votes Laguiller et Besancenot, une partie de
l’augmentation du vote nul et de l’abstention traduisent aussi cette défiance
envers le gouvernement sortant PS/PC/Verts et l’aspiration à une société
différente.
Si ceux-ci augmentent au détriment du vote pour les partis
qui gouvernaient, c’est qu’il y a sans doute un problème quant au bilan de ce
gouvernement …
De même quand le président sortant recueille 20% des voix et
800 000 voix de moins qu’en 1995 (alors même qu’il n’y avait pas cette fois de
candidature de type Balladur qui avait obtenu 5 659 000 voix) c’est qu’il y a
un problème … à ne pas rechercher ailleurs.
Il est clair au vu de l’ensemble des
résultats du premier tour que Le Pen ne sera pas élu président le 5 mai.
Syndicalistes, nous ne pouvons que nous
en féliciter.
Et nous pensons aussi que, quels que soient nos choix du 21
avril, nous avons plus lutté contre la progression de Le Pen en agissant depuis
des années au quotidien pour l’égalité des droits, contre l’injustice, pour la
sécurité au travail, etc … que ne l’ont fait ceux qui par leurs pratiques
décrédibilisent toute action « politique » au sens large du terme.
Et c’est cela que nous devons continuer.
C’est là que se mène l’essentiel de la lutte contre
l’extrême droite.
Au quotidien ; dans la fraternité des luttes où se
retrouvent côte à côte français et immigrés, dans le respect du débat démocratique
qui s’oppose au « coups de gueule » et à la loi « du plus
fort », dans la prise en charge des problèmes (y compris d’insécurité)
pour éviter que leur non-résolution ne tourne au fantasme, ….
Le mouvement social dans son ensemble,
le syndicalisme en particulier,
a un rôle considérable à jouer dans la période.
Notre avenir, c’est chaque jour que nous le construisons.
La meilleure manière d’éviter que les partis fascistes ne se
construisent réellement en tant que force politique nationale (ce qui n’est pas
la même chose que de recueillir des voix sur le nom d’un détestable mais
efficace bonimenteur de foire ayant 45 ans d’expérience) c’est d’occuper le
terrain des luttes sociales.
Les luttes, au plus prés des travailleurs(ses), par une prise
en charge de leurs problèmes quotidiens dans le service, l’atelier, le dépôt,
…
Les luttes aussi sur le plan interprofessionnel car nous devons donner une visibilité à notre volonté de construire
une société plus juste, plus solidaire.
Sur ces deux plans, à des degrés différents, nous devons
progresser.
Redonner l’espoir aux travailleurs(ses),
c’est aussi leur redonner la volonté de croire que gagner c’est possible. Et cela
renvoie en partie à la dynamique unitaire que nous sommes capables, ou non, de
construire.
Nos camarades d’autres syndicats ne sont sans doute pas plus
satisfaits que nous du résultat de ces élections. Nous avons une
responsabilité collective de proposer autre chose !
Il faut, vraiment, et pas seulement dans des (bonnes)
résolutions de congrès essayer de construire l’unité. A beaucoup de points de
vue ce n’est pas facile, mais c’est indispensable si nous voulons abattre le
plus définitivement possible le clan fasciste.
Occuper le terrain,
redonner le goût des luttes,
voilà l’enjeu essentiel de la période !